Voyager de Lisbonne à Rome n’était pas facile en 1863. Regardons d’abord le contexte historique :
L’Italie fut réunie en 1861 à l’exception de Rome et du Latium qui constituèrent le reste des Etats Pontificaux protégés par des troupes françaises pour empêcher leur annexion par l’Italie.
Prenons maintenant une lettre de cette époque pour reconstituer le trajet et les moyens d’un tel voyage :
Il s’agit d’une lettre portugaise au 1er échelon de poids (moins de 15g) affranchie par l’émission Luis 1er (YT n° 15, 25 réis, port payé jusqu’à la frontière espagnole, affranchissement obligatoire, tarif du 9 septembre 1861), oblitérée par le timbre oblitérant « 1 » (= Lisbonne) et marquée par le timbre à date « LISBOA / 27 | 8 » (le 27 août 1863).
Elle est partie pour Elvas, petite ville portugaise à la frontière espagnole, où elle arrive le 28 août, et ensuite pour Badajoz, petite ville espagnole en face d’Elvas, le même jour (timbres à date au verso (1) et (2)). Le 1er septembre, la lettre arrive à Irun (timbre rouge « España » au verso (3)) et entre en France par Saint-Jean-de-Luz (timbre à double cercle en noir « PORTUGAL ST J. DE LUZ 3 / AMB. B » (Noël n° 983) au recto). Le timbre d’entrée indique que la lettre a été traitée par la brigade B du bureau ambulant de la ligne Irun à Bordeaux. Mais, en 1863, cette ligne était toujours en construction entre Irun et Bayonne (mise en service le 12 avril 1864). Par conséquent, notre lettre a du continuer son voyage par une malle-poste jusqu’à Bayonne pour rejoindre le train pour Bordeaux. De Bordeaux, elle est prise en charge par le bureau ambulant de la ligne Bordeaux – Cette (aujourd’hui : Sète, au verso (4)), le 2 septembre, et arrive à Marseille. Normalement, notre lettre devrait prendre le paquebot de Marseille à Citta Vecchia, le port de Rome, selon les termes du contrat postal établi entre la France et les Etats Pontificaux le 1er octobre 1853.
Mais cette fois, elle a pris un autre chemin, soit elle a raté le départ de ce paquebot, soit ce départ a été annulé pour cause de tempête, on ne sait plus. La poste française choisit alors la route à travers les Alpes. Notre lettre passe donc le 3 septembre par le 2° service du bureau ambulant de Marseille à Lyon (timbre à date au verso (5)), et arrive à Lyon, le même jour (timbre T15 de Lyon au verso (6)). Mais à Lyon, la trace de notre lettre se perd. Il y a d’autres timbres à date au verso de cette lettre, mais ils ne sont pas identifiables.
Le chemin le plus rapide de Lyon pour Rome, c’est par l’ancienne route postale par le Mont-Cenis. En 1863, le transport par voie ferrée jusqu’à Saint-Michel-de-Maurienne permet de rejoindre la diligence pour Modane, Lanslebourg, le col de Mont-Cenis et Susa, première ville d’Italie avec une gare où il est possible de prendre un train pour le port de Gènes par Turin. C’est probablement à Gènes que cette lettre a pris le paquebot pour Civita Vecchia, le timbre « CIVITAVECCHIA / DALLA / VIA DI MARE » (au recto) indique qu’elle est arrivée par bateau. Cette lettre arrive enfin à Rome le 7 septembre (timbre à date au verso (7)).
Le destinataire a payé 44 bajocchi (1 bajocco = 5,375 centesimi) pour les passages par l’Espagne, la France et à l’intérieur des Etats Pontificaux conformément au tarif pour le 2° échelon (tampon « 2 » en rouge ; le poids de notre lettre était compris entre 7,5g et 15g, donc 2° échelon pour la France et 1° échelon pour Portugal) selon le tarif du 1er octobre 1853 avec addendum de 1861 de la convention entre la France et les Etats Pontificaux. A la fin, la mention manuscrite « 5 » en rouge montre que la poste des Etats Pontificaux pouvait garder 5 des 44 bajocchi pour la distance entre Civita Vecchia et Rome.
Quel voyage !